La solidarité entre contribuables : la hantise des propriétaires.

La répercussion d’impôts impayés par les locataires sur le dos des bailleurs n’est pas toujours autorisée

Il arrive que des impôts impayés par les redevables soient mis à charge d’autres personnes qui sont fictivement considérées comme « contribuables » par la loi ou par un règlement-taxe communal ou provincial.

Les cas les plus fréquents sont les impôts sur les surfaces de bureaux, sur les surfaces commerciales ou sur la seconde résidence, mais il arrive également que des héritiers soient amenés à payer les droits de succession qui sont dûs par des légataires ou des donataires.

A chaque fois, l’administration se retournait contre celui ou celle qu’elle considère comme contribuable, probablement pour une question de solvabilité, situation malheureusement fréquente chez les propriétaires immobiliers.

Impôts des locataires

De nombreux règlements communaux prévoient une solidarité des bailleurs pour les impôts impayés des locataires, ou mieux encore, souvent des règlements taxes prévoient que c’est le propriétaire qui est le redevable.

Jusqu’à présent, aucune loi n’interdit cette pratique règlementaire, seul le Conseil d’Etat se montre parfois critique quand le critère de rattachement avec le propriétaire est trop flou.

Ainsi, le Conseil d’Etat a jugé dans un arrêt récent du 16 septembre 2016 (1) que les communes sont libres de désigner les redevables de la taxe à la condition toutefois que ce soit « raisonnablement justifié ». Dans le cas disputé, à savoir la location d’un lieu de tolérance avec prostitution en vitrine, le Conseil d’Etat avait estimé que le propriétaire tirait un avantage de l’usage qui était fait des lieux loués par le locataire, du fait d’un loyer notoirement plus élevé, et qu’il existait dès lors une communauté d’intérêt objective entre le bailleur et son locataire.

C’est ce dernier élément qui permet de déterminer si la solidarité à l’encontre des bailleurs est bien légitime.

Droits de succession.

Une question fréquemment posée est de savoir si chaque héritier est responsable des droits de succession de l’ensemble de la succession

Cette question survient généralement lors du partage des avoirs bancaires du défunt, les héritiers les plus économes craignent souvent de devoir supporter les droits de succession d’un autre héritier qui se serait rendu insolvable.

Pour les héritiers légaux, la loi ne prévoit pas de solidarité, mais la question reste posée à l’égard de ceux qui ont reçu de l’argent du vivant du défunt, ainsi que pour les légataires testamentaires.

Un récent arrêt de la Cour constitutionnelle (2) vient d’annuler cette solidarité au motif qu’elle ne se justifiait pas (plus) : chacun doit désormais supporter l’impôt successoral sur ce qu’il reçoit.

C’était déjà le cas pour les héritiers ordinaires, en général les descendants et le conjoint survivant ; suite à cet arrêt de la Cour constitutionnelle, les légataires et donataires devront supporter eux-mêmes leurs propres droits de succession, l’administration ne pourra désormais plus se retourner contre les héritiers légaux ou le légataire universel.

Toutefois, l’arrêt en question n’est pas tout à fait clair pour les legs particuliers, comme par exemple une somme d’argent, dont la délivrance dépend entièrement du légataire universel ou des héritiers légaux ; dans ce cas, il est conseillé de tout de même retenir l’impôt successoral sur la somme léguée, en attendant que la loi soit clarifiée.

Immeubles en indivision.

La loi actuelle (3) prévoit que chaque co-propriétaire n’est tenu de supporter l’impôt immobilier qu’à concurrence de sa part dans l’immeuble. Il n’y a dès lors pas de solidarité entre indivisaires, à l’exception des époux mariés sous un régime de communauté.

L’administration est toutefois autorisée à adresser un seul avertissement extrait-de rôle pour l’ensemble de la parcelle cadastrale en indiquant que cette parcelle est « en indivision ».

Le fait d’adresser un seul document ne libère nullement les autres contribuables, ils restent tenus à l’impôt sur leur part dans l’immeuble, même si le délai d’enrôlement est dépassé.

Dans la pratique, seule l’administration flamande (VLABEL) communique cette information en joignant l’identifiant parcellaire des immeubles concernés par le précompte immobilier.

L’administration fédérale n’est plus responsable de la perception du précompte immobilier en Région de Bruxelles-Capitale, c’est l’agence Bruxelles Fiscalité qui s’en charge avec une information incomplète à l’attention des propriétaires.

A Bruxelles, la règle de l’impôt adressé au mari, plutôt qu’à l’épouse, a laissé la place à l’envoi au contribuable le plus âgé qui a un domicile en Belgique.

C’est pour cette raison que de nombreuses femmes ont subitement reçu l’avertissement-extrait de rôle du précompte immobilier, alors que ces impôts étaient toujours adressés au mari par le passé.

Fin de la solidarité entre conjoints pour les impôts de la Région bruxelloise.

La loi fédérale consacre encore toujours la solidarité entre conjoints à l’égard de l’administration fiscale.

Cela concerne non seulement les époux mariés sous le régime légal de communauté, mais également, les époux mariés sous un régime de séparation des biens.

Pour un époux marié sous un régime de séparation des biens pure et simple, il est toutefois possible d’échapper à cette solidarité en démontrant qu’il détient son patrimoine à titre personnel et qu’il a recueilli des revenus séparément qui lui sont propres en vertu de son régime de séparation des biens.

La Région de Bruxelles-Capitale vient toutefois de supprimer cette solidarité entre tous les époux, quel que soit leur régime matrimonial, pour ce qui concerne les impôts régionaux comme le précompte immobilier et la taxe régionale.

C’est en expliquant que cette solidarité pénalisait d’avantage les femmes, qu’un amendement (4) a été adopté pour supprimer cette injustice, car il arrivait fréquemment qu’une femme doive supporter des impôts impayés de son ex-époux durant des années.

Il se dit que les hommes prennent souvent, mais pas toujours, plus de risques que les femmes, cela s’avèrerait au volant mais aussi à l’égard de l’administration.

(1) CE 16 septembre 2016 N° 235.780
(2) Arrêt n° 2002018 du 22 février 2018
(3) Art. 393, §1 et § 2. CIR 1992
(4) Amdt. de Clippele, ord. Code de procédure fiscale du 6 mars 2019, A-756/1